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Fugues

Fugues
Fugues
30 mars 2016

Murmures

murmures

 

Au-delà des remparts gris et mousseux de la ville, je m'engageai dans un petit chemin de terre qui serpentait à travers des bosquets et des prairies. L'odeur de l'herbe, des arbres en fleurs, me grisait. Une brise printanière jouait avec mes cheveux, il faisait délicieusement bon. Un bonheur tout simple montait en moi.
Un murmure d'eau qui coule m'intrigua et je m'écartai du chemin pour découvrir un petit ruisseau bordé de mousses et de lichens, de narcisses et de jonquilles... Quelques oiseaux sifflaient dans les branches, ajoutant de la gaieté à cet endroit si doux, si serein. On s'attendait presque à voir surgir une ondine ou un elfe.
Je décidai de m'asseoir là, au pied d'un saule pleureur et je fis silence dans tout mon être. S'ajoutant au murmure immuable de l'eau, je discernai alors le murmure fantasque de la brise dans les branches, et, beaucoup plus lointain, le murmure assourdi de la ville.
Murmure... J'aimais ce mot. Il m'évoquait tant de jolies choses ! Le murmure profond et mystérieux des forêts. Le léger murmure des eaux fraîches du lac. Le murmure clair de la fontaine. Et puis... les mots tendres que l'on murmure à l'oreille d'un enfant, de l'être aimé... et le doux murmure de l'âme quand la paix se fait en nous...
Et que me murmurait-elle donc, mon âme, alors que j'étais là, sereine et apaisée, dans ce lieu féerique ?
Elle me murmurait... “Vit dans l'instant, apprécie chaque moment sans te préoccuper des choses passées ou à venir, fait confiance en la vie, en l'amour... c'est là le secret du bonheur”.
Françoise Verdenne - mars 2016
Image : Huile sur toile de Anton Dieffenbach (1831-1914) “Ruisseau en sous-bois”
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6 février 2016

Père-repère

Oh papa, que de beaux souvenirs tu m'as laissés ! Tu m'as donné tout ce qu'un père peut donner à son enfant : un modèle, l'équilibre, le calme, la gaieté, la positivité, le goût du travail, l'obstination... On ne se voyait pas souvent, qu'aux vacances, mais ces moments ensembles étaient intenses. Dès le premier dimanche de vacances (de Noël, de la Toussaint de Pâques, où des grandes vacances), on te voyait arriver dans ta traction noire et c'était la fête à la maison. Maman et toute la famille descendait sur le perron pour t'accueillir, Paul mon frère (qui n'était pas ton fils) et Joëlle (ma cousine) empressés de recevoir plaques de chocolat et autres bonbons... tu donnais à maman des cagettes de légumes et de fruits, puis vous discutiez un moment de choses et d'autres que je n'écoutais pas, toute occupée à me régaler avec Paul et Joëlle (tu ne l'as jamais su, mais Paul m'a dit que tu étais le seul père qu'il ait connu, il t appréciait beaucoup).
Après nous partions pour Langres, moi heureuse de te retrouver, et sans inquiétude, sachant que plus tard, je retrouverais maman. J'étais simplement prête à profiter du moment présent. Le long de la route, tu avais l'habitude de t'arrêter au bord d'un champs près de Gray, pour écouter un match de foot sur une radio que tu branchais sur la batterie de la voiture. Tu faisais d’ailleurs partie toi-même de l'équipe de foot de Langres. Tout en écoutant, on cueillait des pissenlits pour le repas du soir, et on ramassait de l'herbe pour les cochons d'Inde que tu élevais dans la cour intérieure de ton magasin – eh oui, à cette époque, on mangeait encore les cochons d'Inde ! Les clients en étaient friands. Moi ça me faisait de la peine qu’on les tue. C’est grand-père qui s’en chargeait.
Et puis, et puis... Je me souviens... pendant ces vacances, tu m'emmenais au bord du lac de la Liez ou de Villegusien. C'est toi qui m'a appris à nager... tu me tenais sous le ventre et le menton, ou tu me mettais au milieu d'une chambre à air pour que je puisse barboter sans danger. Mais je ne voulais rien lâcher... Alors quand tu m'as dit « le jour où tu nages toute seule, je t'achète un vélo », le soir même, je réclamais mon vélo, cela t'a fait bien rire. En fait de vélo, c'était un tricycle, mais que je me suis amusée avec !
Au lac, nous faisions aussi du kayak, c'est toi qui m'a appris à pagayer. Plus tard, on partait en promenade sur le lac, moi devant, toi derrière, me surveillant. On a fait aussi du voilier, il existe même une carte postale où nous nous apprêtons tous les deux à partir en voilier ! Parfois, tu te plaçais sur la digue de la Liez pour pêcher et tu m'expliquais qu'il ne fallait pas parler, sinon les poissons fuiraient. Je restais près de toi bien sage, regardant évoluer le bouchon, et l'eau couler, paisible, applaudissant quand tu prenais un poisson.
J'aurais passé des heures, assise auprès de toi sans bouger.
Les soirs d'été, nous campions au bord du lac. Tu faisais un gros feu de bois, et tu faisais cuire les poissons que tu avais pris, et des grillades d'oignons – c'est toi qui m'a fait aimer les oignons grillés, chaque fois que j'en mange, je repense à ces soirées. Et puis, plus tard, quand la nuit tombait tu me montrais les étoiles et tu me disais leurs noms : Vénus, basse sur l'horizon, la première levée. Mars, la planète rouge, la Grande Ourse, la Petite Ourse, l'étoile polaire, et bien d'autres encore... J'aime toujours regarder le ciel, tu sais. Quand je le fais, je pense à toi. Peut-être es-tu une étoile à présent ?
Un soir d'hiver, je me souviens, tu as cuisiné pour grand-père, grand-mère, tante Germaine et moi une fondue savoyarde. Tante Germaine était la plus jeune sœur de ma grand-mère. Elle s'occupait de moi quand mes grands-parents t'aidaient au magasin. Bref, personne n'avait jamais vu de fondue à cette époque. Tu tenais la recette de maman. Je te regardais religieusement mettre le fromage à petites poignées et tourner lentement le mélange qui fondait dans le liquide blanc – du vin. Puis à la fin tu as versé une goutte d'alcool, et en riant tu as dit « il ne faudra pas trop en donner à Françoise, sinon elle va être saoule » Je ne comprenais pas tout, mais je riais avec les autres qui avaient l'air de trouver cela très drôle.
Parfois, le dimanche, on partait faire la tournée des fermes pour ravitailler ton petit commerce d'alimentation. Tu leur achetais poules et poulets, lapins, œufs, lait, légumes et fruits, tout ce qu'on peut acheter dans une ferme. De retour à la maison, tu fabriquais toi-même des fromages blancs et de la cancoillotte, encore une nouvelle recette que tu tenais de maman et que tes clients appréciaient.
On allait aussi de temps en temps en visite chez nos cousins de Champigny les Langres. C'était une grande maison pleine d'enfants turbulents qui me faisaient un peu peur. Ils avaient une cabane de pêcheur au bord du lac, et nous y allions tous ensemble pique-niquer. Tu pêchais, moi je faisais de la barque avec les cousins la peur au ventre parce qu'ils menaçaient de faire chavirer la barque. Le soir, nous rentrions manger au milieu d'un brouhaha incessant. Nos cousins tenaient un bar toujours plein de monde et un magasin d'alimentation-quincaillerie-dépôt de pain, bref tout ce qui peut être utile dans un petit village qui n'a qu'un seul commerce. Je les aimais bien, mais je n'aimais pas beaucoup tout ce bruit et ces mouvements. Je préférais la petite maison chaleureuse et calme de mes grands-parents. J'ai toujours été une enfant calme et solitaire, je tiens peut-être cela de toi ?
Et puis... notre vie a basculé, nos choix respectifs nous ont séparés. Mais je voulais vraiment te dire que je t'ai toujours aimé, papa, et je suis sûre que toi de ton côté, tu m'aimais aussi.
Aujourd'hui ton esprit vogue dans les nuées, Peut-être es-tu dans la pluie qui frappe mes fenêtres, dans le parc où j'aime aller me promener, dans l'arbre dont je caresse le tronc, dans la fleur que je photographie, dans l'oiseau qui s'envole tout là-bas, dans l'eau de la rivière et surtout, dans les étoiles que tu aimais tant,,,
Françoise Verdenne, janvier 2016
14 novembre 2015

Debouts et tous unis - 13 novembre 2015

tue pasPetite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

21 octobre 2015

Rencontres mythiques

 

Inscrite depuis peu sur un site dit mythique
de rencontres arrangées par affinités
on m'indiqua ceux qui m'étaient destinés.
Aussitôt je me suis fait belle, cosmétiques
parfum, dentelles, et suis allée pleine d'espoir
aux rendez-vous, talons hauts sur mes bas noirs.

Mon premier prince non-charmant surgit à l'heure.
j'attendais un bel homme, il l'était en somme,
mais en jogging-baskets, prêt pour un slalom.
Mon deuxième prince non-charmant, tout en sueur,
arriva en retard, mais c'est son haleine
qui, pendant la rencontre, fut mon vrai problème.

Enfin, mon troisième prince fut presque charmant.
Belle tenue, élégant, mince, et fleurant bon
il m'emmena dans un bar de grand renom.
Buvons un verre proposa-t-il, très galant.
Mais, sans gêne ni confusion, me fit payer,
quand vint l'addition, ma tasse de thé.

Oui, je m'étais fait belle pour les rencontrer
maquillage, jupe courte, bas noirs et haut-talons
et ce fut comme donner des perles aux cochons...
Mais que ces messieurs veuillent bien me pardonner
car il arrive qu'eux aussi, parfois, ils donnent
des perles ou de la confiture aux cochonnes...

© Françoise Verdenne, octobre 2015

 

29 septembre 2015

Re-Naissance

foetus

Une conscience émerge du vide, du rien. Avant elle n'était pas et soudain elle est.

Etincelle.

Suis-je une pulsation parmi une infinité d'autres, dans ce Tout indicible qui me contient et me traverse ? Suis-je quelque chose de vivant au sein du vivant ou de l’inerte, lancé dans l’arène des possibles ?

Je suis peut-être une cellule, une entité plus grande, un cerveau biologique ou électronique, un être humain, un ordinateur, une étoile ? Je l'ignore. Je n'ai aucune conscience d'un corps qui me limite, aucune conscience d'être dedans ou dehors.  

D'où viennent ces souvenirs qui défilent et se télescopent, s’enfuient ou s’impriment ?  Peut-être sont-ils ceux d'un être qui était ou est vivant, ou ceux implantés dans les circuits électromagnétiques d'un robot ? Mémoire volatile, intelligence artificielle, bébé, enfant, fourmi, génie…

Suis-je en train de naître, ou suis-je au seuil de la dissolution et de la mort, dans ce désert immense au-delà de toute compréhension ?

Maman, 0 ou 1, Hal 9000 débranché, Au clair de la lune, je t’aime... Des mots sans suite vibrent en moi comme des litanies absurdes...

D'où viennent ces mots qui m’emplissent, me traversent ? Certains fuient et d’autres restent. Ils arrivent en pluie, en avalanche, en foules... Pourquoi tous ces mots fugitifs passent-ils sur l’écran de mon esprit ?

Questions sans réponses.

Je suis prisonnier dans un hiatus, un  mystère caché dans un oeuf, une bulle, mais je me rêve conscient dans cet état. Vais-je m'éveiller, unique et singulier, en vie dans un monde de perceptions et de sensations ?

Je flotte en équilibre dans rien, peut-être en devenir ou peut-être en route vers le néant. Mais je pense, donc je suis. Cette certitude me crée, me recrée sans cesse.

Je pressens qu’il existe des organes pour voir et me voir dans l’extérieur, pour entendre la vie, et pour crier  : c'est moi ! je suis là !

Un orage d'étincelles crépite en moi ou dans les ténèbres extérieures où j’ai été lancé... Je vois ! Je vois des lueurs blanches et zébrantes, ciel lumineux sur le couvercle de mon néant. J'entends l'orage des décharges électriques dans mes cellules, mes mémoires.

Au secours ! Aidez-moi ! Sauvez-moi ! Ouvrez les portes de la cage qui me retient au plus profond du désert de la non-vie…

J'existe. Je suis. Moi-je.

Françoise Verdenne - Besançon, septembre 2015

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25 septembre 2015

La vie est une danse

danseLa vie est une danse qui ne demande qu'à m'enlacer et à me faire vibrer. Parfois, elle est étourdissante et parfois elle est valse lente. Elle m'essouffle ou elle m'envoûte, elle se fait danse de l'amour ou rock endiablé.

La vie est une danse qui m'attire dans un ballet magique. J'y suis ballerine semblant flotter sur la pointe des pieds et tourbillonner dans un frou-frou évaporé.

 

La vie est une danse saccadée. Tout est parfois si étrange que je me laisse emporter par son rythme passionné. J'avance et piétine du pied comme si j'étais danseuse espagnole, conquérante d'un pays inconnu et offert.

La vie est une danse que je danse souvent sans trop y croire. Les idées noires quadrillent avec les idées plus colorées. Elles s'emmêlent et tourbillonnent pour s'échapper de la ronde, puis elles s'étourdissent et reviennent sagement se blottir dans mon coeur emballé.

La vie est une danse qui m'ensorcelle, me stimule et m'émerveille...


Je me suis souvent arrêtée car j'étais essoufflée. Je me suis souvent assise sur le petit banc... esseulée... Je me suis souvent pris les pieds et j'ai trébuché. Sur la piste je me suis même effondrée...

La vie est une danse qui m'enchante. D'un regard, elle me fait de l'oeil et j'avance... comme c'est étrange... vers la piste brillante de l'amour...

La vie est une danse que je t'invite à danser...

Françoise Verdenne - Besançon, août 2014

20 septembre 2015

Belle

Quand je l'ai vue
Si douce, si sage
Triste et perdue
Dans cette cage
J'ai compris qu'elle
Serait à moi
Serait fidèle
Serait ma joie.
Sans plus attendre
Je l'ai emmenée
Et notre entente
A commencé.
Je l'appelle Belle
C'est pas son nom
De p'tit teckel
Mais elle répond.


Belle sur moi veille
A tout moment
C'est mon soleil
Mon talisman !
Au p'tit matin
Premier rituel
Belle lèche ma main
Et me réveille.
On va au bois
Ses aboiements
Effraient les proies
Qui vont fuyant.
Belle, vient ici !
Belle ! obéit !
Mais Belle poursuit
Une perdrix.


Tantôt coquine
Tantôt rusée
Toujours câline
Me fait marcher...
Si je caresse
Un autre chien
Belle manifeste
Un gros chagrin

 

fv-hindra se repose3

 

Ou bien fait mine
d'être fatiguée
Si j'organise
Une randonnée !


Et sans vergogne
Lorsque je parle
Au téléphone
Fait du vacarme
Si bien qu'enfin
Moi je raccroche
J'entends plus rien !
Belle s'approche
Doucement geint
Avec tendresse
Pousse ma main
Oh la diablesse !


Belle est gourmande
Aime la galette
Et les amandes.
Dans mon assiette
Vole ma pitance
Puis me regarde,
Feint l'innocence.
Quelle roublarde !
Vociférant,
Lui dit son fait
Et puis riant
J'déclare forfait.


Malgré ses ruses
J'aime mon amie
Si je n'm'abuse
Elle m'aime aussi
Ce n'est qu'un chien
Me direz-vous
Oui j'en conviens
Mais ce toutou
Moi j'en suis sûre
Et le proclame :
Sous sa fourrure
Il a une âme.

Françoise Verdenne - septembre 2015

 

Hommage à mon amie Belle qui est morte il y a deux ans.

 

 

10 septembre 2015

Un monde parallèle

Comme tous les matins, Mouss, mon chat, vint m’effleurer la joue de son nez humide et de ses moustaches. J’émergeai subitement d’un profond sommeil où je m’enlisais dans un rêve sans forme. « Fous-moi la paix ! » grommelai-je en me retournant de l’autre côté et je glissai à nouveau dans les brumes sombres et ouatées de mon cerveau.

Un petit miaulement quémandeur, un ronronnement me réveilla à nouveau. « Il veut sortir » pensai-je. « Si je ne le sors pas, il va m’empêcher de dormir jusqu’à ce que je le fasse… ». J’ouvris les yeux. Le réveil indiquait 5 heures 20. En soupirant, je roulai sur le côté, enfilai rapidement mon jogging et me dirigeai vers la porte où Mouss m’attendait déjà. Il descendit les marches à toute allure et je le rejoignis à l’entrée de l’immeuble. J’entrouvris la porte, Mouss se faufila dehors et disparut.

J’allais remonter chez moi en pensant avec délice à mon lit encore chaud quand une impression d’étrangeté me figea sur place. Qu’est-ce que c’était ? L’odeur. Ce n’était pas l’odeur habituelle. Je vivais à proximité du quai et j’étais habituée à l’odeur d’eau croupie qui se dégageait de la rivière, mêlée aux odeurs de bitume, de gaz d’échappement et aux relents de graisses provenant du Kebab d’à-côté. Mais ce matin, ça sentait… la nature ! Une odeur légèrement marine montait de l’eau et se mêlait à des senteurs d’humus, de fleurs, de feuilles qui me ramenaient à mon enfance. J’eus la vision fugitive d’un pique-nique en forêt, au bord de la Rêverotte… Aurait-on lavé la rue, l’atmosphère, le ciel pendant la nuit ? Je pris alors conscience d’une autre étrangeté. Le bruissement de l’eau et un léger clapotis remplaçaient la sourde rumeur de la ville rompue par les bruits de klaxons, de claquements de porte, de voix, de moteur ou de freinage qu’on entendait d’habitude. Cela m’intrigua tant que j’ouvris tout grand la porte pour avancer sur le trottoir.

 

J’étais dans un lieu étrange et sombre. Autour de moi, je devinais des buissons, des arbres et une brise légère me caressait le visage… Mais où était la rue ? Les réverbères ? Les quais ? La ville ? La ville avait disparu ! L’angoisse me nouait la gorge, le sang cognait à mes tempes et mes jambes se mirent à trembler. Je me retournai vers mon immeuble, mais il avait disparu dans l’ombre informe qui m’environnait. Une route venant de nulle part se perdait au loin dans une sorte de clair-obscur souligné par la rivière d’argent. A ma droite, la silhouette familière du Rosemont se détachant sur un ciel encore sombre et piqueté d’étoiles me rassura, car avec la rivière, il m’indiquait que j’étais toujours chez moi.Indécise, je restais debout, là, le cœur battant et les jambes en coton, effrayée à l’idée d’avancer sur cette route, vers l’inconnu, mais craignant plus encore de rebrousser chemin vers l’obscurité qui avait englouti mon immeuble.

Peu à peu, le calme ambiant commença à agir sur moi et mes idées s’éclaircirent. Il n’y avait pas que moi dans cette ville, et ce qui m’était arrivé avait bien dû arriver aux autres, ou leur arriverait bientôt. Par conséquent, tout le monde allait essayer de se regrouper quelque part, c’est ce qu’on fait en général dans les films de science-fiction… Mais se regrouper où ? Je considérai la route. « Une route, en principe, ça mène quelque part ! » me dis-je, en toute logique, et après un ultime coup d’œil derrière moi pour m’assurer qu’il n’y avait pas de retour possible, je me mis en route.

 

J’approchais de l’endroit où la rivière contournait le Rosemont, attirée et intriguée par une lueur que je voyais au loin sur l’autre rive, lorsque j’entendis marcher dans ma direction. C’était le boulanger et son épouse, aimable et souriante, qui me servait mon pain tous les matins dans la boutique odorante et proprette de mon quartier. Je les interpellai en disant « Bonjour ! Savez-vous ce qui se passe ? ». La boulangère regardait dans ma direction mais elle ne me répondit pas. Peut-être ne m’avait-elle pas entendue, pensai-je, en ajoutant : « Où mène cette route ? Et qu’est-ce qu’il y a, de l’autre côté de la rivière ? ». Sans s’arrêter de marcher, son mari prononça quelques mots que je ne compris pas, et ils poursuivirent leur chemin, me laissant plantée là avec mes questions, comme si je n’existais pas. Décontenancée, je me demandais que faire… Ils n’avaient pas dû me voir. Est-ce que je ne devrais pas les suivre ? Ils avaient l’air de savoir où aller ? En même temps, j’avais très envie de savoir ce qu’était cette lueur que je voyais là-bas, depuis un moment.

Hormis l’étrangeté de tout ce qui m’arrivait depuis que Mouss m’avait tirée du lit, la balade était très agréable. Il ne faisait pas froid, et l’air frais et vif m’apportait toute sorte d’odeurs végétales que j’avais oubliées. J’angoissais un peu à l’idée de ne pas retrouver l’univers qui était le mien mais en même temps, j’étais très excitée par l’aventure que j’étais en train de vivre. Cela faisait longtemps que je croupissais dans mon train-train quotidien et quelque part, je me sentais renaître… « Après tout, ça ne me coûte rien de continuer un bout de chemin, je pourrai toujours revenir en sens inverse plus tard », pensai-je, et je repartis donc sans plus d’hésitations.

Après quelques minutes de marche, j’arrivai presque en face de cette chose bizarre que je voyais luire depuis un moment. Il s’agissait d’un bâtiment éclairé, dont le toit en forme de dôme ou de coupole dépassait du bosquet d’arbres qui l’environnait. Encore quelques mètres et je pourrais le voir en entier.

Je pris un petit sentier qui descendait vers la rive et au détour de ce sentier, je le vis enfin dans toute sa splendeur. C’était une énorme boule de cristal luminescente, d’une blancheur nacrée, qui nimbait d’une douce opalescence tout le paysage environnant. On aurait dit que la lune était descendue sur terre et ce spectacle transporta tout mon être.

Je descendis encore un peu pour atteindre le bord de la rive et à ce moment, je vis se matérialiser devant moi une légère passerelle de cristal. C’était féerique, j’avais l’impression de vivre l’un de ces contes que je lisais étant enfant... Prudemment, je la testai du pied, m’attendant à moitié à la voir disparaître tel un nuage, mais elle était bien là, et bien solide. Encore un peu craintive, je m’engageai dessus et traversai lentement la rivière. Au-dessous de moi je devinais plus que je ne les voyais les eaux sombres et menaçantes, et il me semblait glisser sur un rayon de lumière au-dessus d’un gouffre insondable. Cela me donna une étrange et profonde impression d’éternité.

J’atteignis enfin l’autre rive et je vis, de part et d’autre de la boule, des gens qui, comme moi, s’en approchaient. Il me vint alors l’idée saugrenue de voir des spermatozoïdes s’approchant de l’œuf à féconder et cette pensée me remplit de gaieté… Je me tournai vers la boule, ne sachant trop que faire, lorsque je vis la paroi s’effacer devant moi. Malgré mon appréhension, j’entrai sans hésiter, tellement était forte la fascination que cette chose exerçait sur moi.

 

Je me tenais à présent dans une grande salle circulaire entièrement faite de miroirs, sauf que ces miroirs ne reflétaient pas mon image.

Après quelques secondes, ou peut-être des heures car j’avais perdu toute notion de temps, les miroirs commencèrent à s’animer. Dans une sorte de brume chatoyante, je vis danser des éclairs, des lueurs, des arcs-en-ciel, des feux d’artifices. Puis ces couleurs se stabilisèrent et je vis apparaître un paysage bleu-vert, clair et lumineux, que j’avais l’impression de survoler : des montagnes, des vallées peuplées d’étranges animaux, des lacs et des rubans de rivières bleues…

Puis tout me devint familier, et je reconnus ma ville sous la protection bienveillante et séculaire du Rosemont. Mais elle était différente. C’était une cité ancienne beaucoup plus petite, aux rues pavées, dont les bâtiments de pierres taillées beiges et bleutées s’ornaient de sculptures, de colonnes, d’arcades et de statues. Là s’activaient des gens vêtus de tuniques, de braies, de blouses ou de toges, parlant une langue que je ne connaissais pas, portant ou utilisant des outils ou des objets très anciens, dont certains m’étaient totalement inconnus. A proximité de l’endroit où j’habitais, se trouvait un immense bâtiment circulaire à ciel ouvert, sans doute un amphithéâtre ou des arènes. Des hommes vêtus de cuir et de métal, armés de fer, parfois montés sur des chevaux, entraient ou sortaient de ce bâtiment. J’avais l’impression d’être dans un grand péplum…

Mais ce qui me surprenait le plus, c’était que tous ces gens faisaient partie de mon quotidien : je reconnaissais mes voisins, mes amis, ma famille, les commerçants de mon quartier, les vendeurs des marchés et des brocantes, et les SDF qui faisaient la manche en bas de ma rue...

Puis les images défilèrent de plus en plus vite, comme dans un film en accéléré. Je vis les beaux bâtiments romains se défaire, tomber en ruines, puis laisser la place à de pauvres bâtisses en bois, de riches demeures ou de grandes cathédrales. Je vis des incendies détruire des quartiers entiers et des hommes les reconstruire. Je vis des guerres, des tempêtes de neige, des inondations, des tremblements de terre… Je vis les vêtements changer, les objets et les outils se spécialiser… mais les acteurs de ce film étaient toujours les mêmes. Avec le paysage, ils étaient les seuls à ne pas changer.

Enfin, le rythme se ralentit et je vis ma ville et ses habitants tels que je les connaissais aujourd’hui.

Je sus alors, comme si je venais d’en avoir la preuve, que nous étions toujours les mêmes, gens d’aujourd’hui ou gens du passé, nous avions vécu ensemble toutes ces vies… Nous étions éternels. Chaque vie n’était qu’une étape, et la mort n’était qu’une porte s’ouvrant sur une nouvelle étape.

Et je compris alors que je venais d’ouvrir cette porte.

Françoise Verdenne - Besançon, mai 2008


 

5 septembre 2015

Qui je suis


Mon grand défaut : ma confiance
Ma grande qualité : ma confiance

Ma grande souffrance : aimer
Ma grande joie : aimer

Mon impuissance : comprendre
Mon hurlement : comprendre

Mon meilleur ami : mon impulsivité
Mon meilleur ennemi : mon impulsivité

Ma vulnérabilité : ma sensibilité, ma soif de donner et d'être reçue, mon introversion
Ma carapace : mon courage, ma détermination, mon audace, ma capacité à cacher mon introversion

Ma prison : ma solitude
Ma liberté : ma solitude

Mon bourreau : moi
Mon sauveur : moi

Mon grand bonheur : donner, voir quelqu'un devenir son propre ami, son propre guide, le capitaine de son propre navire de la vie.
Ma grande peine : n'avoir personne à qui donner, voir quelqu'un s'oublier, se priver du bonheur, ne pas se choisir, fermer les yeux devant la réalité.

J'ai mal au coeur : mon coeur me guérira

Françoise Verdenne - Besançon, novembre 2014

1 septembre 2015

A l'inconnue...

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A l'inconnue qui passe
Sans mot dire et sans trace,
Je dédie un poème
Pour écrire que je l'aime.

C'est un bus, un métro,
Ou au bar d'un bistro.
Tu es là, silencieuse,
Dans le jour qui se creuse.

Tu es telle la lune
Au-dessus des lagunes
Et ton âme rayonne
Dans mon coeur qui frissonne.

Harmonie d'un instant,
Exception dans le temps.
Je t'aime à la folie,
Mais sans faire aucun bruit....

Frédéric Gerchambeau

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