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Fugues
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29 octobre 2011

Les illusions

Il est nécessaire de faire table rase de nos illusions pour apprendre l'acceptation. Pourquoi ? Les illusions, les espoirs romantiques, les mythes et les voeux pieux aident puissamment à se cantonner dans une vie pratiquement végétative. On fait souvent appel à eux pour empêcher la réalité de la vie de faire mal. Ils sont fréquemment invoqués pour ne pas vivre l'instant présent. Sous des dehors inoffensifs, ils sont très efficaces pour passer à côté de sa vie et de ses sentiments, agréables ou douloureux. On est souvent tenté de faire appel à eux à titre de tampon et de bouclier pour esquiver l'instant présent. Ils peuvent effectivement nous empêcher de souffrir à court terme, mais c'est bien cher payé : ils nous anesthésient, nous plongent dans une sorte de stupeur qui nous tient à l'écart de la vie. Quand nous entretenons des illusions pour nous protéger de la souffrance, nous utilisons celles-ci comme des drogues, nous cessons momentanément d'être éveillés, alertes, responsables et conscients de nous-mêmes dans l'instant présent. Bref, nous perdons la maîtrise de nous-mêmes.

Par définition, les illusions sont des fantasmes ; elles ne rendent pas compte de la réalité de notre existence ; elles consistent souvent en objectifs inaccessibles ; elles nous font perdre un temps précieux et nous'empêchent de prendre la vie à bras-le-corps ; si nous passons notre temps à rêvasser à ce que nous voudrions avoir, il nous reste moins de temps pour profiter de ce que nous avons. Notre modèle occidental ne nous enseigne pas à goûter l'instant présent ; il nous apprend au contraire à concentrer notre attention sur l'endroit dont nous venons (le passé) et celui où nous nous rendons (l'avenir) ; dans l'instant présent, il n'y a pas de place pour les illusions.

De même que nous devons nous accepter nous-mêmes pour nous connaître, nous devons aussi nous explorer. Et cette introspection doit être réelle : la partie non explorée de notre vie ne fait pas partie de notre vie mais du rêve. Pour continuer à apprendre de la vie et de nous-mêmes, il faut que nous soyons disposés à explorer. L'illusion, c'est facile ; les vaines espérances, c'est meurtrier. Ni les unes ni les autres ne nous aident à vivre l'instant présent, et toutes tendent à provoquer des difficultés quand nous sommes contraints d'affronter directement la réalité de notre existence. Si nous entretenons l'illusion que tout ira mieux quand l'événement X se produira, nous ne sommes guère motivés pour nous retrousser les manches et transformer nos vies. Nous préférons attendre de façon passive que X arrive, ou bien concentrer toutes nos énergies pour contraindre X à arriver ; quand enfin X se produit, il y a toutes les chances pour que nous ne soyons pas plus avancés. Il y a même de fortes probabilités pour que nous soyons dans une situation pire encore, frustrés et déprimés. Les illusions tendent à produire des comportements passifs, ou bien le besoin peu réaliste de maîtriser des facteurs complètement hors de notre portée. Elles constituent des façons de nous défaire de nos responsabilités et donc d'esquiver le réel. A cause d'elles, nous gâchons nos instants présents en nous projetant dans le futur, dans le royaume chimérique des « Et si... ? » Les vaines attentes ressemblent beaucoup aux illusions, elles indiquent que nous vivons dans l'avenir. Les vaines attentes consistent à imaginer quelque chose, bon ou mauvais, qui ne dépend pas de nous. Le temps que nous perdons à rêvasser est perdu à jamais. La seule chose que nous puissions faire pour notre avenir, c'est de le vivre quand il deviendra présent. Nous pouvons faire beaucoup dans le présent, mais à condition de ne pas rêver ni attendre l'avenir.

Les illusions peuvent être drôles si nous ne les prenons pas au sérieux. Rêver, espérer et tirer des plans sur la comète sont des activités constructives si elles sont fondées sur la réalité du moment. Les visions de l'avenir peuvent se révéler productives à condition d'être réalistes et accessibles. Si vous savez que vous allez déménager dans telle ville dans six mois, vous pouvez rêver de ce que sera votre nouvelle vie, et bâtir des projets pour votre déménagement : c'est normal, c'est fondé sur une réalité. Le danger commence quand l'illusion transcende la réalité et que l'on commence à rêver que tout va changer du fait - du seul fait - que l'on va déménager. Là, on commence à bâtir de vaines attentes qui ne peuvent conduire qu'à l'échec.

Rappel : où que vous déménagiez, vous emporterez votre personnalité avec vous, et vos problèmes non résolus aussi. Si vous faites appel à vos illusions, à vos vaines attentes, à vos rêves et à vos voeux pieux pour échapper à vous-même et à votre vie, vous ne tarderez pas à vous apercevoir que c'est peine perdue. Nul ne peut échapper à soi-même ; il est beaucoup plus simple de s'occuper de soi ici et maintenant, et de renoncer à ses illusions. La réalité suffit largement ; la vie vaut la peine d'être vécue, et la vie, c'est l'instant présent. Vos rêves d'avenir et vos efforts pour les concrétiser n'amélioreront votre présent qu'à une condition, nécessaire et suffisante : il ne faut pas que votre estime de vous-même repose sur vos succès futurs.

Parfois, le présent est si douloureux qu'il ne reste qu'un espoir : que l'avenir soit moins pénible. Le fait de savoir que la souffrance passera n'est pas une illusion. Reconnaître le fait que des changements vont se produire et que ces changements aboutiront à une situation meilleure, cela s'appelle l'espérance.

Prendre des mesures pour remédier à un présent douloureux, c'est le contraire de nier l'existence du problème. Au lieu d'avoir recours à des illusions pour nier la souffrance, il faut au contraire

- reconnaître que la souffrance existe,
- reconnaître que l'on souffre soi-même,
- se souvenir du fait que la souffrance diminuera avec le temps,
- admettre que l'on sortira grandi d'une expérience douloureuse.

La souffrance fait partie de la vie. Une vie bien vécue comporte une part d'exploration. Illusions, rêves, vaines attentes et voeux pieux bloquent le processus exploratoire : c'est pour cela qu'ils sont dangereux.

Susanna Mc Mahon

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