L'estime de soi est-elle de l'égoïsme ?

Au sens littéral, oui, l'égoïsme consiste à s'occuper de son moi, en latin ego.

La définition du Robert est la suivante : "Attachement excessif à soi-même qui fait que l'on recherche exclusivement son plaisir et son intérêt personnels". Il faut souligner les mots "excessif" et "exclusivement" : nous avons en effet tendance à lire : "Tout attachement à soi-même qui fait que l'on recherche, de quelque façon que ce soit, son plaisir et son intérêt personnels".

Le modèle occidental nous enseigne que l'égoïsme est un vice abominable et nous en sommes venus à identifier l'égoïsme avec l'incapacité de s'intéresser à autre chose qu'à soi. Mais il ne faut pas le confondre avec l'égocentrisme, qui est "la tendance à tout rapporter à soi, à ne s'intéresser vraiment qu'à soi".

Au fond, quelle est la différence entre égoïsme et égocentrisme ? L'égoïsme, au sens d'estime de soi, est l'art d'établir des relations avec soi-même : le soi n'est pas le pivot autour duquel tourne le reste du monde. On ne demande à personne de considérer son soi comme le centre de quoi que ce soit ; simplement, l'accent est mis sur le fait que chacun doit subvenir à ses propres besoins. Arrêtons de rêver que nous sommes le soleil et que les autres ne font que tourner autour de nous : contentons-nous d'être des étoiles qui brillent en elles-mêmes.

Aucun autre concept ne soulève autant de controverses, aucun n'est aussi difficile à admettre. On nous a inculqué, plus que toute autre notion, que l'égoïsme, c'est mal. Le paradoxe ahurissant, c'est que les gens que nous considérons comme égoïstes - ceux que nous accusons de narcissisme, de préoccupation excessive de leurs propres intérêts - sont aussi les plus anxieux et en fait les plus égocentriques. Ces gens-là n'ont aucune estime d'eux-mêmes, ils sont incapables de subvenir à leurs besoins et de s'aimer eux-mêmes. Ils passent leur temps à essayer d'avoir barre sur les autres et font tout pour être au centre de leur environnement. Ils gaspillent leurs énergies pour des choses superficielles et sont très abattus quand les autres finissent par les abandonner. Ces prétendus égoïstes sont l'incamation même du moi faible et l'antithèse de l'égoïsme bien compris, c'est-à-dire de l'estime de soi.

Pour s'aimer, il faut se connaître. Pour répondre à ses propres besoins et désirs, il faut commencer par les identifier. C'est impossible si nous ne concentrons pas notre attention sur nous-mêmes. Soyons égoïstes. Prenons soin de notre personne. Nul ne peut le faire à notre place, surtout pas de la façon dont nous en avons vraiment besoin.

Susanna Mc Mahon