Qu'est-ce que la réussite ?

Le modèle linéaire occidental est orienté vers la réussite. Dans le cadre de ce modèle, la réussite se définit par l'accumulation de biens matériels ou l'obtention d'un statut social élevé. L'image que nous nous faisons du succès est celle d'un couple en voiture de luxe, portant des bijoux coûteux, des vêtements à la mode et des chaussures sur mesure. Pour la plupart, nous pensons que la réussite est quantitativement mesurable, que nous pouvons facilement la définir et la convoiter. Les gens qui ont réussi sont ceux qui ont réalisé leurs ambitions matérielles. Les autres sont des ratés. Les attributs de la réussite sont donc l'instruction, l'argent et le pouvoir. Le manque d'instruction, d'argent et de pouvoir - ainsi que d'ambition - sont les attributs de l'échec. Il est important de remarquer que dans ce modèle, tous les étalons du succès sont extérieurs au Soi. Ils sont tous liés au « paraître » : l'estime de soi dépend en totalité d'autres personnes ou d'événements extérieurs. Et du fait qu'ils sont externes, ils ne sont pas permanents.

Comme il est curieux d'être hautement respecté un jour et vilement méprisé le lendemain, du simple fait d'un krach boursier, d'une guerre ou d'une catastrophe naturelle !

Le modèle activiste pose également un autre problème. Il existe des gens - nombreux - qui appliquent avec ferveur la recette : ils étudient avec zèle, travaillent de toutes leurs forces, rencontrent les gens bien placés et font tout ce qu'il convient ; mais ils ne réussissent pas. Ce n'est pas de leur faute, ils n'y arrivent pas. En dépit du postulat implicite dans le modèle activiste ("chacun est maître de son destin"), le succès tel que nous l'avons défini plus haut ne dépend pas de nous. La chance, le hasard et le destin jouent un rôle important dans le succès des entreprises humaines. Or, ils ne figurent en général pas dans le modèle linéaire car nous n'avons aucun empire sur eux.

Dans le modèle ontologique, il n'y a pas de définition de la réussite. La réussite, c'est "être". Vous avez survécu, vous êtes : c'est suffisant. La seule façon de mesurer votre réussite à l'aune de ce modèle, ce serait de savoir quelle opinion vous avez de vous-même. Si vous vous aimez, même lorsque votre environnement s'effondre, alors vous avez réussi. Si vous ne vous aimez pas, vous n'êtes pas un raté. Simplement, vous n'avez pas encore appris à vous aimer. Cette définition de la réussite est interne, et nous en sommes les maîtres.

Paradoxe : le modèle oriental admet et intègre l'existence de la chance, du hasard et du destin, et ne cherche en aucun cas à les maîtriser. Ils sont totalement extérieurs au Soi et échappent à la maîtrise de l'individu ; or, tous les éléments dont nous avons la maîtrise sont intérieurs à la personne. L'individu dont l'être est en accord avec ce modèle a davantage de maîtrise, concrètement, que l'activiste du modèle occidental ; et ceci en dépit du fait que le modèle occidental se présente comme une recette pour acquérir le pouvoir, la maîtrise, et la réussite.

Je peux réussir. Je puis maîtriser ma réussite, de la seule façon qui compte en définitive, et aux yeux de la personne la plus importante de ma vie : moi-même.

Susanna Mc Mahon