Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Fugues
Fugues
Fugues
19 juillet 2011

Pourquoi la vie n'est-elle pas juste ?



La vie n'est pas juste: c'est une des réalités les plus difficiles à admettre. En effet, un des postulats du modèle linéaire occidental est que le monde est juste : si on travaille assez dur et assez longtemps, on réalise ses ambitions. Peut-être est-ce notre idéal de liberté, d'égalité et de fraternité pour tous qui nous a conduits à penser qu'ainsi va le monde...

De toute façon, quelle qu'en soit la raison, nous voudrions bien que le monde soit juste: c'est un fait. Nous voudrions pouvoir nous fier à quelque chose de solide : nous cherchons des garanties quant à notre sécurité et à notre bien-être. Le fait que ces garanties n'existent pas ne nous empêche pas de les désirer. Beaucoup de nos mécanismes de défense, de nos illusions et de nos dénégations proviennent de ce que nous n'acceptons pas cette réalité simple : !a vie n'est pas juste.

La vie n'est pas juste parce que la « justice » implique un jugement de valeur, essentiellement subjectif : le verdict du jugement change en fonction de la personne qui
évalue la situation et du moment où elle le fait. Ce qui me semble juste aujourd'hui me semblera peut-être injuste demain ou dans des circonstances différentes, ou avec
d'autres personnes. Exemple : la promotion que je me suis tant acharné à décrocher vous est attribuée. D'après moi, c'est injuste mais d'après vous, c'est parfaitement juste. Et même si aujourd'hui vous convenez avec moi que ce n'est pas juste, le mois prochain vous justifierez le bien-fondé de cette décision par le fait que vous exécutez convenablement votre nouveau travail.

L'importance du concept selon lequel la vie n'est pas juste ne réside pas dans l'explication qu'on peut lui donner, mais dans la façon dont on l'accepte. On peut poser et reposer la question jusqu'à devenir fou : on trouvera toujours des raisons suivant lesquelles la vie devrait bel et bien être juste pour nous ; nous pouvons passer des heures à argumenter, à nier l'évidence ou à nous décourager parce que l'injustice a de nouveau frappé. Les vraies questions d'injustice, où la vie et la mort sont en jeu, ne seront jamais explicables de façon rationnelle. Quand une personne que vous aimez se meurt, il est impossible de trouver un « pourquoi » satisfaisant. On peut savoir de quoi meurt la personne (cancer, crise cardiaque, accident ou autre maladie) mais on ne découvrira jamais pourquoi. Le fait de s'appesantir sur ce pourquoi peut créer des troubles du comportement. La bonne attitude est toute différente: il faut accepter et faire son deuil. Le chagrin a une fin ; le deuil est un processus naturel. Mais se demander pourquoi n'a pas de fin, c'est stérile  ; tôt ou tard, il nous faut renoncer à savoir, accepter la réalité et recommencer à vivre.

Essayer de rendre le monde juste est à la fois destructeur et contraire au but recherché. Beaucoup de gens de bonne volonté s'exténuent à remédier à l'injustice du monde. Certains sont ce que nous appelons des codépendants, certains sont des martyrs vivants, bien peu sont de véritables saints. Les codépendants et les martyrs vivants tendent à ruminer leur colère, leur rancoeur, leur envie et leur sentiment d'insécurité. Leur refus d'accepter la réalité les rend amers et malheureux, provoquant en eux des souffrances inutiles qui les empêchent de se développer. Et ça, ce n'est vraiment pas juste !

Paradoxe: le fait d'accepter que la vie soit injuste conduit souvent à des comportements plus objectifs, plus aimants et plus réalistes. Les gens qui acceptent la réalité sont souvent perçus comme plus « justes » que ceux qui s'acharnent à forcer le monde à devenir juste.

Susanna Mc Mahon

Publicité
Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 572 018
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité