La mère dans les rêves
L'un des plus grands symboles étant probablement celui de la Mère, il est normal que de très nombreuses images oniriques en jaillissent. Voyons-en d'abord l'aspect généralement positif.
La mère positive
1) Tout ce qui accueille, protège, réchauffe, rassure, enveloppe ... Par exemple :
LA
MAISON, LA GROTTE, LA GRANGE
L'AUBERGE,
LE VILLAGE, LA VILLE
LE JARDIN CLOS, LE COFFRE, L'ARMOIRE
2) Tout ce qui allaite, nourrit, donne la vie; tout ce qui est promesse... Par exemple :
LA
TERRE, LA FERME, LA SOURCE, L'OEUF
LES
CHAMPS, LE VERGER, LE JARDIN
LA VACHE, LA MER, LE FLEUVE
3) Tout ce qui est étalé, horizontal (contrairement à la masculinité qui est " dressée" et verticale)... Par exemple :
LE LAC,
LA NEIGE, LA ROUTE
LA PLAINE, L'HORIZON
4) Tout ce qui est « mystérieux » comme semble l'être la femme ... Par exemple :
LA
NUIT, LA LUNE, LE MARECAGE
LE
SILENCE, L'OMBRE, LE SOUTERRAIN
LA MONTAGNE
ENNEIGEE, LA FORET, LE SOUS-BOIS
LE FELIN
5) Tout ce qui enferme, contient, englobe (comme le ventre maternel)... Par exemple :
LE
NAVIRE, LE SOUS-MARIN, L'ASCENSEUR
LA
VALISE, L'ARMOIRE, LE CALICE
LA MAISON, LE SOUTERRAIN
6) Tout ce qui passe pour posséder les secrets de la vie... Par exemple :
LA
GITANE, LA SORCIERE, LA DISEUSE DE BONNE AVENTURE
LA SYBILLE
Toujours en ce qui concerne la mère, passons aux symboles généralement ressentis comme négatifs et où nous retrouverons des images présentées précédemment comme « positives ». Tout dépend, une fois de plus, de l'état intérieur du rêveur.
La mère négative
1) Tout ce qui évoque le passé; tout ce qui symbolise l'enfance; tout ce qui « descend » vers le passé, vers l' inconscient, vers l'obscurité... Par exemple :
L'ENFANCE,
LES ESCALIERS DESCENDANTS, LES CAVES
LES FLEURS FANEES
2) Tout ce qui est repli sur soi... Par exemple :
LE
SOMMEIL, L'INTROSPECTION
LA
DANSE, LA NUIT, LA SOLITUDE
LES
PLANS INCLINES, DESCENDANTS, LA DESCENTE VERS LES SOUTERRAINS
LES
FONDS MARINS, LES JARDINS ABANDONNES
CERTAINES
MUSIQUES, L'IMMOBILITE
CERTAINES
PEINTURES (IMPRESSIONNISME, par ex.)
LE JARDIN CLOS
3) Ce qui empêche de « grandir », d'avancer; ce qui enferme dans l'enfance... Par exemple :
LES
MURS, LES FORTIFICATIONS, LES VILLES TENTACULAIRES
LA PRISON, LA PORTE FERMEE
4) Ce qui peut " maudire », jeter des sorts... Par exemple :
LES
DISEUSES DE BONNE AVENTURE, LA SORCIERE
LES ANIMAUX « MAGIQUES » (hibou, crapaud, serpent, etc.)
5) Ce qui menace, rejette dans la solitude... Par exemple :
L'EAU
STAGNANTE, L'ATTENTE SILENCIEUSE
LA
CAVERNE, LE TUNNEL, LA VILLE DESERTE
LA NUIT
OBSCURE, LA RUE DESERTE, LE LABYRINTHE,
LA VILLE NOCTURNE, LE DESERT
6) Ce qui exige que l'on montre " patte blanche" avant d'aller plus loin, ou avant de passer la frontière (de la vie adulte)... Par exemple:
LE DOUANIER, LE GENDARME, LES JUGES
7) Ce qui guette, piétine, dévore, étouffe, emporte vers le néant. Par exemple :
L'AVALANCHE,
LA NOYADE, LE POISSON (parfois)
LE
TREMBLEMENT DE TERRE, L'OCEAN DECHAINE,
LA
SPIRALE, L'APOCALYPSE, LES ALGUES
LE
POULPE, L'ARAIGNEE, LE CROCODILE
LE
CHEVAL EMBALLE, LE FILET, LE PIEGE
LA
CHUTE, LE VERTIGE, LE PRECIPICE, LES FONDS MARINS
LA
JUNGLE, LE NAVIRE QUI SOMBRE, L'INONDATION
LA GLU
Le rêve d'un homme (30 ans)
- Je me prépare à quitter mon lieu de vacances. Mais l'aubergiste (un homme) me retient. Il me montre la table mise; les meilleurs mets y sont accumulés. Je proteste, je dois partir; je lui montre mon billet de chemin de fer.
On y trouve un homme - l'aubergiste - symbolisant la Mère. Ce rêve n'est ni positif ni négatif : il fait le point d'une situation intérieure. L'aubergiste-mère tente de retenir auprès de lui (d'elle) son fils qui désire prendre le départ dans la vie (le billet de chemin de fer). Ce rêve montre tout de même que cet homme a gardé, quelque part en lui, un "accrochage" envers sa mère. Mais cela n'est-il pas quotidien?
Le rêve d'une femme (27 ans)
- Le ciel était rouge sang. La terre tremblait. Le silence était total; du non-bruit, du non-être. Des gens couraient dans toutes les directions. Leurs cris - s'ils criaient ? - étaient en tous cas inaudibles ; ici encore, le silence était absolu. Comme un énorme cinéma muet. Une apocalypse de silence... Je courais à mon tour vers une trouée, une grotte ? une clairière ? je ne sais...
Les rêves apocalyptiques sont assez nombreux dans les nuits humaines ! Et je crois inutile d'interpréter longuement celui-ci. Laissons associer cette personne :
- ROUGE SANG. J'ai vu, un jour, un tableau contemporain. Il représentait cette partie de mon rêve. le ciel y était courbe, infini, rouge également. Les lointains semblaient y être roses. Ce tableau était fort beau mais, pour rien au monde, je n'aurais voulu l'accrocher chez moi. Le ciel rouge de mon rêve signifie pour moi les profondeurs matricielles. C'est le néant, la mort dans un infini sans retour. C'est le ventre.
- TREMBLEMENT DE TERRE. C'est, je crois, le phénomène qui me terrifierait le plus! La terre qui s'ouvre ! Disparaître vivante, comme avalée par des mâchoires... La Terre-Mère, à ce moment-là, quel monstre ! Une terre maudite, une terre nourricière qui se met à maudire et à dévorer ! Elle colle à vous, elle vous digère, elle vous coince ... On court, on s'enfuit, mais il n'y a rien à faire elle vous récupère toujours...
- SILENCE. C'était le pire, dans ce rêve. Silence indescriptible. Le signe d'une impuissance à l'échelle cosmique. Que peut-on dire ou faire devant les silences de la mère ? Mais on ferait tout pour qu'elle sorte de ce silence ! On se lancerait contre un mur la tête la première, on se tuerait même ! Le silence boudeur, revendicateur, menaçant, d'une mère, est comme la mort... C'est se trouver relégué dans un abandon absolu. Apocalypse ... silence ... Etre seule, horriblement... Mais tout de même, j'allais vers une trouée...
- TROUEE, CLAIRIERE. Espoir. Espoir lumineux, mais... N'est-ce pas un nouveau piège ? C'est vrai qu'avec ma mère, je ne savais jamais à quoi m'en tenir. Hargneuse et boudeuse, puis brusquement gentille... J'ai toujours tenté de me faire accepter par elle, j'ai toujours joué la comédie de la soumission admirative... N'empêche que je ne me suis pas mariée. Comment ai-je pu aller vivre seule dans un appartement au lieu de rester collée à elle ? Mais je lui téléphone chaque jour, et plutôt deux fois qu'une. Je ne pourrais pas ne pas lui téléphoner; mon angoisse serait trop forte. Mais pourquoi cette angoisse?
A quoi servit ce rêve?
Cette
jeune femme pouvait-elle, sans le savoir, ressentir l'image maternelle de façon
aussi puissamment négative? S'était-elle arrêtée à des symptômes très
superficiels (ne pas se marier, téléphoner chaque jour avec angoisse)? Il est
un fait : sans ce rêve, sans les associations qu'elle fit, elle serait demeurée
dans un état « larvaire »; sans âge, hors du temps, petite fille sans cesse
angoissée devant l'opinion d'autrui, craignant de prendre la moindre liberté
(elle n'avait jamais « pris » de vacances par crainte des bouderies et des
jérémiades maternelles, du genre « tu m'abandonnes encore ? » !), etc.
Cette jeune femme subissait son état intérieur; elle ne le connaissait pas.
Le rêve fut - évidemment - un choc. Il était la soupape qui s'ouvrait, laissant s'échapper une trop forte pression. En même temps, ce rêve ouvrait de tels horizons à cette jeune femme qu'elle entreprit une analyse, du reste menée à très bon port.
Je reviens d'ailleurs sur le ciel rouge-sang. Il représentait donc les « profondeurs matricielles » ; il symbolisait également le ventre de la mère dont cette jeune femme refusait - inconsciemment - d'être sortie (refus qu'opposent à la vie tant de gens et pour la même raison !). Et, comme beaucoup de gens encore, cette jeune femme traversait la rue lorsqu'une femme enceinte approchait (ce qui était pour elle le rappel de sa propre naissance). S'étonne-t-on qu'elle ne se soit pas mariée à l'époque, non seulement par angoisse d'« abandonner » sa mère, mais surtout pour éviter d'être enceinte, angoisse qui l'avait empêchée jusqu'alors de répondre à la moindre avance d'un homme ?
Mais aujourd'hui, Marylou, puisque c'est son nom, est mariée, heureuse, et mère de deux enfants. Et grâces soient ainsi rendues à son rêve!
Notons encore que...
Ces divers symboles évoquant la mère, peuvent évidemment représenter également la femme, selon le rêveur ou la rêveuse. Ces mêmes symboles peuvent représenter l'épouse d'un rêveur; il suffit pour cela qu'il « projette » sur elle la Mère, ce qui est courant. Combien d'hommes, en effet, n'épousent-ils pas une copie de leur mère?
Pierre Daco "L'interprétation des rêves"