Vous avez rêvé d'une grande fête ou d'une orgie...

Il existe une gamme infinie de rêves où la fête peut intervenir sous des aspects tantôt nobles, tantôt de bas-étage. Il est important d'examiner en premier lieu si la fête est masquée. Cela peut signifier que chacun cache sa personnalité aux autres. Cependant, dans certains rêves, l'anonymat procuré par le masque fait que le "moi-je" cesse d'exister. Il peut y avoir alors une sensation de "participer" à plus vaste, que soi-même. C'est le thème de l'orgie. Car le masque (dans la vie comme dans les rêves) supprime les différences entre les personnalités, avec l'angoisse qui en résulte toujours.

Dans un rêve de fête, il s'agit donc de savoir si tous les participants sont masqués, ou si on est seul à l'être ; ce qui signifierait des sentiments d'infériorité et de culpabilité, procurant l'angoisse d'être "vu" et "démasqué" par autrui.

Masquée ou non, la fête réelle est une "participation à l'univers". Dans cette acception, la fête peut apparaître dans certains grands rêves de mutation intérieure ; le "moi-je" éclate alors vers de plus vastes dimensions. Car n'oublions pas qu'une fête authentique est " religieuse " dans le sens : religare = relier.

L'orgie

Ce terme recouvre un grand nombre de phénomènes et de comportements. Il est généralement ressenti de façon péjorative. On pense à la luxure sans frein, à la débauche collective, à l'ivresse en groupe, aux danses "hystériques", etc. Mais on pense également aux carnavals, aux "débauches" de couleurs, ou musicales, etc.

Toute orgie est une démesure. Toute forme d'orgie est "religieuse" (toujours, dans le sens de "relier"). Orgie s'applique à tout ce qui éclate vers l'immense, le grandiose, à tout ce qui jaillit, tonne, à tout ce qui fait se briser les barrages et les inhibitions quotidiennes, à tout ce qui peut donner la sensation de participer à plus vaste que soi, et à s'y "fondre". Et également à tout ce qui donne la sensation de "se perdre dans...".

L'orgie peut ainsi se manifester de multiples façons, selon la qualité des affects et des motifs en jeu. Mais l'orgie est toujours de "religiosité", quelle qu'en soit la forme. Cette religiosité peut être d'aspect hautement positif (une "débauche" de très belle musique par exemple), ou d'aspect régressif voire pourri (une débauche collective alcoolique ou sexuelle, par exemple).

Un retour aux sources ...

On connaît les grandes orgies collectives de certaines populations primitives. Elles sont liées à l'Agriculture, à la Moisson, au Printemps, etc. Elles ont pour but de fondre l'homme dans la grande unité universelle. Dans certaines orgies rituelles primitives, le prêtre s'unit publiquement à son épouse. Tous les participants les imitent ; l'orgie devient énorme, gargantuesque, démesurée, imaginez ! Le but de cette orgie est de multiplier la prospérité de la Terre, de la vie végétale et animale. Comme le signale Micea Eliade : tout ce qui est isolé cesse de l'être ; l'union est totale et les individus se fondent dans la grande Matrice Universelle...

Carnavals et musiques "pop"

Un rêve de carnaval peut être "énorme et délirant". Débauches de musiques, de danses et de chants... Car l'orgie comprend aussi bien les "bains spirituels" des musiques dégringolant des grandes orgues de cathédrales, que les réunions de musique pop. Tous les carnavals, petits ou grands, sont des formes d'orgie. En plus des danses, en plus des libertés accordées, les masques sont une recherche inconsciente de "reliance" (ils procurent l'anonymat et suppriment l'individualité). Et pour en revenir aux orgies de bas niveau (sexualité et alcool), les participants cherchent également à se fondre dans autre chose qu'eux-mêmes : en fait, dans le suicide de leur personnalité et dans la mort du Moi. C'est une orgie inversée, une religiosité à l'envers.

Pourquoi des réunions musicales du genre musiques pop, rave-party, atteignent-elles souvent des intensités telles que la raison semble y perdre tout contrôle ? Pourquoi des individualités y paraissent-elles anéanties ?

Le plus frappant est que cette foule s'agglutine dans une sorte d'émotion primaire ; c'est une masse indifférenciée, formant un "tout" émotif et semblant réagir comme le feraient des marionnettes.

Ici, également, les énormes forces instinctuelles mises en jeu rappellent celles des cérémonies chez les primitifs. L'atmosphère est, en effet, celle d'une "Messe" à l'envers, si l'on peut dire. On dirait parfois un énorme halètement collectif. L'individu devient la foule. Des gens se tordent, se révulsent, hurlent, entrent en "extase". Et le tout baigne dans les déchaînements d'une "sono" démesurée.

Qu'on le veuille ou non, nous avons affaire, ici encore, à des manifestations "religieuses". Ces "orgies" musicales (fortement teintées de sexualité) suppriment l'individualité au profit d'une communauté baignant dans la même ferveur.

Ainsi donc, ces orgies musicales ne sont qu'une manifestation parmi des milliers possibles, de phénomènes de "ressourcement" et de "fusion" qui ont toujours existé.

Pierre Daco "L'interprétation des rêves"