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Fugues
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4 janvier 2007

Le coup de Jarnac

En 1547, sous le règne finissant de François 1er, un écrit attire l'attention sur la liaison du Dauphin, Henri, avec Diane de Poitiers. Les soupçons pèsent sur Guy Chabot de Saint-Gelais, septième baron de Jarnac. Ils sont confirmés par François de Vivonne, sieur de La Châtaigneraie, qui passe pour la meilleure lame du royaume. L'intéressé nie. Un duel judiciaire, sorte de jugement de Dieu, est organisé alors qu'Henri II est devenu roi. Il a lieu le dimanche 10 juillet 1547, à Saint-Germain-en-Laye.

Jarnac et La Châtaigneraie s'affrontent, devant la cour, après qu'un hérault d'armes a proclamé : Laissez aller les bons combattants. L'accusateur est grand favori mais Chabot l'emporte par un coup, aussi adroit qu'inattendu, que lui a enseigné un spadassin italien : il vise le jarret de l'adversaire quand celui-ci ferraille à des hauteurs plus nobles.

Les hérauts d'arme en font la relation :

"Sur quoy seroient venus l'un contre l'autre furieusement et dextrement, et abordez l'un de l'autre, se seroient ruez plusieurs grands coups tant d'estoc que de taille, l'un desquels, de la part dudit de Jarnac, auroit atteint le jarret de la jambe gauche dudit de la Chastaigneraie en jetant un estoc dudit de Jarnac, et derechef donné encore un autre coup sur ledit mesme jarret ; au moien desquels coups il auroit commencé à soy esbranler. Quoy voyant, ledit de Jarnac se seroit démarché, voiant ledit de la Chastaigneraie navré, lequel tout incontinent seroit tombé à terre".

Selon Alfred Franklin, la botte est jugée correcte et loyale par les innombrables témoins de ce duel, gentilshommes batailleurs, très susceptibles sur le point d'honneur et passionnés pour les choses de l'escrime.

C'est plus de deux siècles plus tard, que, par un subit revirement, la locution "coup de Jarnac" commence à être prise en mauvaise part, à désigner une attaque perfide, une trahison, une félonie.

Pour Le Laboureur, en 1659, ces mots signifient une atteinte sans remède. Il ajoute que Chabot fut toujours en haute considération à la cour, tant pour la gloire de ce fameux combat, que pour la récompense de ses services. Furetière, en 1727, écrit que c'est un coup d'adresse et imprévu. En 1771 seulement, dans le Dictionnaire de Trévoux, œuvre des jésuites, la définition donnée par Furetière est suivie de cette phrase : "Se prend toujours en mauvaise part. Imputation fausse qui est réfutée par Larousse et par Littré".

Après le duel, La Châtaigneraie, solennellement convaincu de mensonge et de parjure, interdit à la cour, arrache l'appareil posé sur sa blessure et meurt trois jours après sa défaite. Il laisse une fille unique, Diane de Vivonne, décédée sans postérité. Chabot, fort recherché à la cour, se distingue sous Coligny au siège de Saint-Quentin. Il sert ensuite les Guise et devient gouverneur de La Rochelle et du pays d'Aunis. Il laisse deux enfants, Jeanne et Léonor Chabot, baron de Jarnac.

Jusqu'en 1792, on a pu voir, sur le toit de la tour sud-ouest du château de Jarnac, une statue de plomb représentant La Châtaigneraie avec une jambe coupée. Elle est jetée dans la Charente par les révolutionnaires comme objet scandaleux à des patriotes.

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